Ceci n’est pas un article habituel car je l’écris dans le deuil. Je l’adresse à ma belle-sœur et à son bébé de six mois qui viennent de perdre un mari et un papa dans un accident de voiture.
Survivante de ta famille directe au Rwanda avec ta grande sœur qui était déjà en Belgique, je t’ai connu alors que tu avais 13 ans. De ta douleur au Rwanda, tu ne m’en as jamais parlé. Tu as grandi chez ta grande sœur comme un enfant dans la maison jusqu’au moment où tu as pu prendre tes responsabilités.
Courageuse, tu t’es affirmée à travers tes études et surtout tu as rencontré l’amour avec Jean Luc, qui depuis des années te comble de bonheur. Depuis 2 ans, il est devenu ton mari.
Un homme qui représente des valeurs familiales importantes à tes yeux et qui a su te redonner le sourire.
Un homme courageux qui depuis quelques années préparait votre nid familial après ces heures de travail.
Un père avec qui vous avez eu Maeva qui a aujourd’hui 6 mois et deux grands enfants de sa première union qui tu aimes tant.
Ce jeudi 27 novembre, il est brutalement reparti auprès de notre créateur alors qu’il revenait de votre belle maison que vous vous apprêtiez à emménager au mois de décembre. Tout était prêt, il était très fier de cette belle réalisation qui allait accueillir votre famille.
De la douleur et de l’incompréhension
Comment comprendre une telle injustice de la nature ou de dieu alors que la vie semblait reprendre forme ?
Comment comprendre que toi qui a le plus souffert, tu puisses encore faire face à un tel drame?
Comment vivre encore alors que la vie semble s’acharner ? Comment expliquer aux enfants que leur papa qui les aimait tant est parti brutalement?
Toutes ces questions nous ramènent au sens de notre existence ici bas et à notre condition humaine qui fait cohabiter la joie et la douleur; la vie et la mort. Les livres saints nous rassurent, les religions nous font espérer le meilleur mais personne ne peut vraiment vivre la douleur à la place de l’autre.
Personne ne le peut sauf, ceux et celles qui ont vécu cette douleur dans des conditions presque similaires.
Alors que je m’interrogeais et que je me révoltais sur cette injustice, j’ai eu la chance de discuter avec des personnes qui te soutiennent dans ce deuil et qui ont vécu la même douleur que toi et qui ont pu se relever.
Est-ce le fait du hasard que ces personnes soient là spontanément?
Non, j’ai perçu leur présence auprès de toi comme un signe et soudainement, je me suis apaisé!
On ne peut apprendre à survivre mais on peut s’inspirer des autres qui ont déjà traversé ce chemin aride et douloureux. Ces présences autour de toi me donnent beaucoup d’espoir car je sais à présent que comme tu as su mener le combat après la mort de ta famille au Rwanda, tu es aujourd’hui en de bonnes mains
L’amour, un cadeau précieux
Il y a tant de chaleur et d’amour autour de toi qui témoignent de la vie de Gilou, de sa famille et de tous tes amis. Nous ne le remplacerons jamais mais ce qu’il a semé se multipliera autour de toi.
Aujourd’hui, c’est le cri de douleur et les larmes, laisse les couler! Exprime ta rage et laisse la sortir! Un pas chaque jour, quelques pas chaque semaine entourée des enfants et de nous tous.
Le soleil brillera de nouveau dans le ciel avec une lumière encore plus éclatante. Elle illuminera ton visage qui à son tour éclairera d’autres visages.
Garde en toi les bons moments car c’est eux qui te feront avancer en cette période douloureuse .
Je te connais, je t’ai vu à l’œuvre; tu rayonnes d’amour et de courage!
Tu tombes et tu te relèves et du pire il ne pourra sortir que le meilleur de toi, pour les enfants et pour tous ceux qui t’approcheront car tous verront en toi l’espoir, l’amour et la force de la vie.
Continue de danser lorsque la musique s’arrête et tu continueras d’avancer lorsque l’espoir semble perdu!
Brille, brille Jean Luc (Gilou) pour que ta lumière nous éclaire
Images :Michel Schmid, Brice Favre
SEBIZIGA
4 décembre 2014 at 13h51
Cher Norbert, très émouvant ton texte, rien à rajouter sur ça. Mise à part vous dire courage à votre famille et spécialement ta belle soeur et son enfant. Je suis croyant, mais il m’arrive de me demander si Dieu existe quand des malheurs pareils arrivent. Comment se fait-il que les mauvais ont en général moins de soucis !!! C’est toujours le plus gentil, honnête, etc qui subissent toujours des malheurs comme votre belle soeur, les nôtres ou bien ce qu’on voit à la télévision. Franchement, parfois je lui crie dessus cet homme(ou femme qui sait) qui est là haut, comment veux-tu que le monde change si tu prends les meilleurs d’entre-nous. Avec notre histoire en commun, je me dis que nous sommes là pour vivre notre vie et ceux des nôtres partis tôt. Bon courage cher ami, et toutes mes condoléances à la famille de ta belle soeur, ngo niho twese tugana c’est vrai. Je terminerais en disant à la personne là haut que je trouve que son casting est vraiment horrible parfois
Norbert Nsabimana
4 décembre 2014 at 14h20
C’est terrible mon ami, je crois que côté casting, il est fort pour sélectionner les meilleurs.
Voici un extrait d’une prière amérindienne qui a été lue et que je trouve très belle :
Quand je ne serai plus là, lâchez-moi ! Laissez-moi partir
Car j’ai tellement de choses à faire et à voir !
Soyez reconnaissants pour les belles années
Pendant lesquelles je vous ai donné mon amour !
Vous ne pouvez que deviner
Le bonheur que vous m’avez apporté !
Je vous remercie pour l’amour que chacun m’a démontré !
Maintenant, il est temps pour moi de voyager seul.
Pendant un court moment vous pouvez avoir de la peine.
La confiance vous apportera réconfort et consolation.
Nous ne serons séparés que pour quelques temps !
Laissez les souvenirs apaiser votre douleur !
Je ne suis pas loin et et la vie continue !
Si vous en avez besoin, appelez-moi et je viendrai !
Même si vous ne pouvez me voir ou me toucher, je serai là,
Et si vous écoutez votre cœur, vous sentirez clairement
La douceur de l’amour que j’apporterai !
Quand il sera temps pour vous de partir,
Je serai là pour vous accueillir,
Absent de mon corps, présent avec Dieu !
Je ne suis pas là, je ne dors pas !
Je suis les mille vents qui soufflent,
Je suis la lumière qui traverse les champs de blé,
Je suis la douce pluie d’automne,
Je suis l’éveil des oiseaux dans le calme du matin,
Je suis l’étoile qui brille dans la nuit !
SEBIZIGA
4 décembre 2014 at 14h56
Une très bonne prière en tout cas, et courage dans ces moments douloureux pour votre famille. A bientôt
Anthony - S'il suffisait d'aimer
4 décembre 2014 at 15h09
Mes plus sincères condoléances à ta belle-soeur et votre famille.
Ce magnifique poème amérindien illustre mes propres convictions concernant le sens de l’existence et la mort.
Je ne crois pas à “une” personne qui décide de tout, mais plutôt que l’univers entier ne fait qu’un, que nous sommes plutôt les gouttes d’eau d’un même océan.
Une fois l’illusion de l’expérience de séparation passée (notre vie d’individu), nous retournons nous fondre dans cet océan… auquel nous n’avons jamais cessé d’appartenir.
C’est ce que, pour moi, les derniers vers illustrent parfaitement.
norbert
4 décembre 2014 at 16h41
Merci Anthony, c’est en effet une belle prière et je partage aussi ta vision à travers ces cultures millénaires. Elles expriment des connaissances éloignées des intérêts conquerants des religions;-) Merci beaucoup pour ton soutien.
Ndikumana Richard
4 décembre 2014 at 19h32
Comme toute personne animée de bonne foi,je sympatise sincèrement avec Aline et sa petite.En effet monsier Norbert,comme tu l’as mentionné dans ton intervention,la mort s’avère toujours etre une injustice. Une injustice d’abord quand elle nous prend un etre cher au moment où nous avons plus besoin de sa présence. Qui d’autre aurait vraiment besoin de Gilou que sa chère épouse, qui dans seulement 2 ans avait toujours un desir ardent d’être entourée de ses mains sures et chaleureuses,ni moins de cette gamine qui normalement compte sur lui pour toute une vie. C’est injuste. Injuste aussi à l’égard de notre Dieu aimant,qui compatit toujours sur notre sort, mais qui endosse toujours la résponsabilité lors que un mal s’abat sur nous. Etant chretien,je voudrais revenir sur un verset biblique qui peut recomforter Aline et les autres vivant le meme calvaire.”jacques 1:13″Dieu n,éprouve personne par le mal.c,est plutot satan qui est résponsable de te telles atrocités.Tiens bon
Norbert Nsabimana
5 décembre 2014 at 16h32
Merci Richard pour Aline. Dans ce genre de situations ce que nous avons le plus besoin, c’est de l’amour et du soutien de tous!
Je te remercie aussi du partage de tes connaissances biblique, les livres saints sont de belles références. Personnellement, j’aime beaucoup l’approche qui englobe le bien et le mal; le noir et le blanc; le jour et la nuit; la joie et la tristesse,…
Toutes ces choses font partie du grand esprit (expression des amérindiens pour dire dieu) qui les utilise pour nous faire grandir spirituellement.
Au plaisir d’échanger de nouveau
eliane
5 décembre 2014 at 22h54
Maigre consolation quant la douleur nous submerge…Mais voici un autre beau texte de consolation
Je vous présente toutes mes sincères condoléances dans cette douloureuse épreuve
La mort n’est rien,
je suis seulement passé, dans la pièce à côté.
Je suis moi. Vous êtes vous.
Ce que j’étais pour vous, je le suis toujours.
Donnez-moi le nom que vous m’avez toujours donné,
parlez-moi comme vous l’avez toujours fait.
N’employez pas un ton différent, ne prenez pas un air solennel ou triste.
Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble.
Priez, souriez, pensez à moi, priez pour moi.
Que mon nom soit prononcé à la maison
comme il l’a toujours été,
sans emphase d’aucune sorte,
sans une trace d’ombre.
La vie signifie tout ce qu’elle a toujours été.
Le fil n’est pas coupé.
Pourquoi serais-je hors de vos pensées,
simplement parce que je suis hors de votre vue ?
Je ne suis pas loin, juste de l’autre côté du chemin.
Vous voyez, tout est bien.
Norbert Nsabimana
10 décembre 2014 at 10h43
Merci beaucoup Eliane, super texte, très touchant, je viens de prendre le temps de le lire, c’est si vrai mais nous l’oublions si souvent!
leroy
6 décembre 2014 at 22h03
Mon grand,
J’apprends avec tristesse le malheur qui frappe une nouvelle fois ta famille.
Cette année il y a vraiment trop de personnes autour de moi qui partent pour l’éternel, je n’ai pas ton courage ni ta foi, donc je sens la révolte en moi.
Je souhaite à ta famille de garder le courage.
Norbert Nsabimana
6 décembre 2014 at 22h17
Bonsoir Mamy,
La révolte est normale, il faut même l’exprimer et la vivre selon chaque caractère!
Mais par après, nous nous rendons compte que c’est notre finalité aussi, que nous sommes aussi de passage et que si nous avons encore un peu de temps, nous pouvons le vivre à fond avec passion en aimant, en aidant, en donnant et en recevant!
Finalement, on decouvre le sens de ce passage et on s’inspire des anciens qui ont déjà survecu et qui ont laissé leurs témoignages et leurs écrits donnent la foi car on y apprend que nous sommes attendu de l’autre côté!
Merci pour ton soutien, nous tiendrons bon avec l’amour de tous;-)
Annette Dudome
6 décembre 2014 at 22h15
Son caractère droit et la bonté de son coeur lui gagnaient l’affection de tous ceux qui l’entouraient.
Il était aimé de tous, et ceux qui l’ont connu l’ont honoré de leur estime pendant sa vie, et l’accompagnèrent de leurs regrets après sa mort.
Sa mort a laissé dans nos coeurs une plaie profonde. Ne t’inquiète pas Jean-Luc, nous serons toujours là pour Aline et tes enfants.
Norbert Nsabimana
7 décembre 2014 at 0h19
C’est magnifique que tant de gens saluent sa mémoire! Courage et surtout soyons unis pour Aline et les enfants!
Niyogakiza Denyse
9 décembre 2014 at 10h53
Cher Norbert pour nous c’est difficile de comprendre la mort ,mais Jésus dit : “Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, même s’il meurt.” Jean 11,25.
Yesu abana natwe muri byose kuko yabinyuzemo,Nyuma y’ubu buzima hari ubundi buzima tubanamo n’abacu twabuze.
Norbert Nsabimana
10 décembre 2014 at 10h44
Merci beaucoup Denise, c’est encourageant de voir que quelle que soit la tradition, nous disons tous la même chose!
Nina
7 avril 2015 at 17h47
très émouvant…il est toujours difficile de continuer à sourire après un tel moment alors merci pour cet article !!
Norbert Nsabimana
8 avril 2015 at 12h08
Hello Nina, c’est vraiment très difficile mais le temps et la nature humaine permettent de surpasser et de vivre avec. Les forces de la vie sont immenses. Merci beaucoup