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Quelles sont les limites du droit d’expression dans une société multiculturelle?

Le carnage atroce des journalistes et dessinateurs de Charlie Hebdo nous interpelle tous avec des sentiments indescriptibles et nous laisse de nombreuses questions. Pour ma part, je me recueille dans le respect de toutes victimes et de leurs familles tout en m’interrogeant sur les limites du droit d’expression.

Charlie hebdo-tutsi crush

Charlie Hebdo : Génocide rwandais adapté au Smartphone : Tutsi crush

Peut-on tout dessiner au nom de la liberté?

Au niveau des médias sociaux en occident, les avis sont en grande partie pour le principe universel de la liberté d’expression. Personnellement, je suis aussi pour la libre expression de toute personne mais je ne peux comprendre le plaisir que pourrait trouver un rwandais à cette image de Tutsi crush de Charlie Hebdo.

Cette image ne fait pas que me blesser en surface, elle remue mes trippes et me ramène à ma propre famille assassinée lâchement en 1994. Certes, j’ai assez de distance pour me dire que Charlie Hebdo a voulu faire de l’humour mais malgré tout, je reste choqué et j’ai le sentiment que celui qui a réalisé cette caricature ne connait soit rien du Rwanda ou tout simplement se fout des victimes loin de chez lui.

Je peux encore moins comprendre le plaisir ou l’amusement que pourrait trouver un musulman face à une telle image quelque soit le contexte de sa réalisation!

Charlie hebdo-le coran

Exemple 1: Nous passons tout le temps à éduquer nos enfants pour qu’ils aient un langage correct. A l’école, ils doivent respecter un code de conduite en paroles et en actes à l’égard de leurs camarades. Pourrions-nous appeler cela de l’auto-censure?

Non, je ne le pense pas, il s’agit de l’éducation.

Exemple 2 : En communication, avec un texte écrit ou une vidéo, nous pouvons mettre de la nuance mais avec une image, tout est dit en un coup d’œil! Comme disait le célèbre philosophe et homme d’état chinois Confucius “ Une image vaut mille mots”

En peu de mots, je peux affirmer sans être musulman que cette image heurtera tout musulman qui voit dans le Coran un livre sacré.

S’agit-il d’une exagération de ma part ou d’un manque d’un esprit d’ouverture ou d’humour?

Non, il s’agit tout simplement de ma capacité de me mettre à la place de l’autre et de le comprendre.

Peut-on lutter positivement contre la barbarie?

Dans une société de plus en plus multiculturelle, les risques d’incompréhensions et de stigmatisations sont tellement importants que ceux qui réussissent à nouer des relations ont une capacité à se mettre à la place de l’autre qui leur permet de percevoir les nuances d’une culture à l’autre.

Exemple : Si vous voulez faire des affaires avec les chinois en Chine ou avec des allemands en Allemagne, un minimum de connaissance de leurs cultures respectives sera important. La négociation avec un allemand sera plus directe tandis que celle avec un chinois demandera plus de tact dans le respect de certaines coutumes.

Pour revenir à la situation de terrorisme dans le locaux de Charlie Hebdo, le risque dans les jours à venir pour les autorités et les dessinateurs (journalistes) est de réagir en affirmant haut et fort le droit universelle de la libre expression de manière provocante pour montrer qu’ils ne peuvent céder à la panique.

Avec beaucoup d’émotions, les citoyens vont en grande partie manifester leur soutien par des actes du style ‘’JE SUIS CHARLIE’’ et d’autres belles idées.

Ces réactions sont tout à fait normales et humaines mais elles doivent s’accompagner de la capacité de se mettre à la place de nombreux musulmans et d’autres cultures qui ne se reconnaissent pas dans des actes barbares et qui cherchent tout simplement le bien-être de leurs familles et le respect.

Il faudrait même les associer à la recherche des solutions équitables qui préservent ce droit d’expression.

Sans ce questionnement sur la libre expression responsable et respectueuse des autres cultures, l’Europe ouvre de grandes portes pour des manipulateurs en tous genres qui utiliseront des jeunes frustrés pour commettre des actes irréparables.

La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres

Et vous qu’en pensez vous, merci pour vos réactions en dessous de cet article.

  • SEBIZIGA

    11 janvier 2015 at 20h58

    D’accord avec toi mon ami, on peut rire de tout du moment qu’on ne blesse pas l’autre sciemment sous le couvert de la liberté d’expression. Quand je pense que Dieudonne à été diabolise pour un sketch (même si ce temps ci il est parfois borderline dans certains sketchs), certains dessins de Charlie Hebdo sont mille fois pires que lui. Le respect de l’autre doit primer pour une bonne cohésion sociale dans nos sociétés actuelles. Mais ceux sensés un rôle pour y arriver sont les premiers pyromanes: politiciens et médias

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      Norbert Nsabimana

      12 janvier 2015 at 10h04

      Merci mon cher, c’est pour ça que je ne pouvais pas me taire aussi! Mais j’ai confiance, je perçois des signes que ce soient dans les médias ou dans les propos des dirigeants qui montrent qu’ils savent qu’ils ne peuvent pas gérer seuls ce genre de choses. Nous y contribuerons d’une manière ou d’une autre car un tel événement interpelle au plus profond des êtres même si la mémoire est parfois trop brève. Partageons nos idées et plus nous serons nombreux et de toutes les cultures, plus nous aurons un impact sur la responsabilisation de chacun!

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  • Wery

    13 janvier 2015 at 8h02

    Ma réponse se résumera à ceci; la liberté comporte en elle une contradiction. Pour vivre elle a besoin d’un cadre défini et en le construisant ce même cadre détruit la notion même de liberté. Peut-elle faut-il redéfinir ce que nous comprenons par liberté?

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      Norbert Nsabimana

      13 janvier 2015 at 10h48

      Bien dit Eddy! Quand bien même la définition deviendrait plus claire, nous interpretons tous selon notre vécu et notre culture! Te souviens-tu de Zinedine Zidane lorsqu’il a donné son coup de boule? Insulté à propos de sa mère et sa soeur, un grand joueur est sorti du mondial par la petite porte. Imaginons maintenant un jeune désabusé
      manipulé par des radicaux qui voient en sa faiblesse une arme! C’est le carnage assuré!
      Dans notre liberté tenons compte des sensibilités des autres! L’humour peut etre respectueux sans perdre sa valeur!

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  • Renata

    15 janvier 2015 at 13h32

    Bonjour Norbert
    on peux aussi se demander deux choses…
    c’est quoi la liberte d’expression? Jusqu’où?
    C’est quoi la liberté? C’est quoi sa limite?où on s’arrete?
    L’humour à ses limites… quand on se moque de soi même c’est plus facile pour l’autre. C’est quoi la limite de l’humour?

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      Norbert Nsabimana

      19 janvier 2015 at 12h00

      Hahaha! Renata, ça fait beaucoup de questions! D’accord avec toi sur l’autodérision (se moquer de soi)
      Le plus important en mon sens, c’est ce que j’ai appelé la capacité de se mettre à la place de l’autre.
      Quoi qu’il en soit, on ne peut plaire à tous mais on ne peut pas non plus blesser en connaissance de cause
      sans se remettre en question! Enfin, chacun aura une définition variable de la liberté, la liberté d’expression, a limite en fonction de son vécu!!!

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  • Alphonse

    19 janvier 2015 at 10h28

    Pour moi, la liberté d’expression me fait peur!!! C’est pour cela que je ne m’exprime pas!!!

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      Norbert Nsabimana

      19 janvier 2015 at 12h04

      J’adore! C’est aussi se respecter de reconnaître sa peur et d’exprimer qu’on ne souhaite pas s’exprimer!

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  • Lili

    19 janvier 2015 at 11h59

    Oui, c’est quoi la limite de l’humour ? quand on blague sur les blondes et leur intelligence, on ne les a pas encore vu manifester : franchement je me demande comment elles font : ah, si j’étais blonde …..
    Quand les Guignols se moquent de Christine Boutin…
    Autrefois, c’était le rôle du bouffon de se moquer du roi, intouchable par ailleurs.
    On est forcément touché là où on est vulnérable, où on a une blessure, une susceptibilité.
    Mais bon, une caricature est un griboullis sur un papier : on regarde ou pas : ça ne pousse à aucune action, cela donne seulement à réflexion : sûr que le jeu rwandais là est atroce : parce qu’il touche à l’impensable, et soudain, on le donne à penser.
    Et la religion, c’est aussi comme un interdit à ne pas remettre en cause, alors une caricature ….
    La caricature se situe en dehors du sentiment : autrement, elle ne pourrait même pas s’exprimer : c’est pure intuition qui fait un pont entre des idées qu’on n’aurait pas eu l’idée d’assembler, mais qui regroupées donnent une nouvelle perspective, qui en fait, ravi l’esprit, le pur esprit.
    Mais bon, quand il s’agit des blondes, des femmes, on s’en fout, elles disent rien, elles manifestent pas, on peut bien continuer ! Mais si ça proteste derrière, ah, faudrait peut-être arrêter, c’est pas bien, oui l’autre il souffre, il existe : ben tout le monde existe. Alors fini de rigoler ?

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      Norbert Nsabimana

      19 janvier 2015 at 13h20

      Bonjour Lili, je ne pourrais exister sans rigoler! Je ne vois même pas comment ce serait possible! Rire et pleurer sont des manifestations d’émotions intenses qui permettent d’alléger le cœur et de se sentir bien. Les caricatures sont géniales auprès des personnes avec lesquelles on partage des valeurs et souvent même, la culture. Je rigole des Guignols mais je ne les vois pas au Rwanda, ce n’est pas dans notre culture de se moquer à un tel point des autorités. Comme vous le dites bien, le bouffon était connu pour son rôle mais en dehors de lui, ça aurait été offensent!
      Le cadre est donc important! Je reconnais que quelques images de Charlie-Hebdo m’ont bien fait rire mais celles que j’ai choisi pour cet article sont inacceptables pour moi. Elles peuvent avoir un impact incalculable qui découle de la dfficulté à se mettre à la place des autres.

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      • Lili

        19 janvier 2015 at 14h21

        Oui, le cadre est important : effectivement, vous ne verriez pas ces caricatures au Rwanda, car ce n’est pas dans votre culture de vous moquer à un point tel des autorités.
        Mais ici nous sommes en France, où nous avons une culture de la liberté d’expression : oui, c’est une question de culture : et bien, si vous vous trouviez à partager le repas d’un peuple qui vous oblige à manger de la cervelle de singe comme ça existe dans certains pays, même que le singe est vivant, et que ce ne soit pas dans vos coutumes, vous resteriez ? Leur interdiriez-vous de le faire sous prétexte que vous n’arrivez pas à vous y faire ? Non, vous déclineriez les prochaines invitations à vous restaurer avec eux ou vous partiriez. Devrions-nous abandonner notre culture pour plaire aux autres ?
        Il y en a qui l’ont fait, ils ont colonisé les “sauvages” en leur interdisant leurs moeurs choquantes : résultat, ces peuples ont perdu leurs racines et sont devenus tout mous.

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          Norbert Nsabimana

          19 janvier 2015 at 15h30

          Nous nous retrouvons bien Lili, c’est une question de culture! D’où mon titre “dans une société multiculturelle”! Pour reprendre ton exemple de nourriture, il s’agirait ici de vivre au quotidien avec les personnes qui se nourrissent différemment. Je me devrais respecter leur nourriture et je les inviterai par le respect de ma différence à me servir un autre plat. De cette façon nous pourrions vivre plus ou moins en harmonie. Dans la réalité, les musulmans ne sont pas des invités, ils vivent dans la société française en tant que français. Ils se doivent de respecter la libre expression mais les autres aussi leur doivent un certain respect. Pourquoi ne pas caricaturer les djihadistes et laisser Mahomet puisque cette sensibilité est connue d’avance? Beaucoup de musulmans comprendront tandis que sur ce dessin même le plus tolérant sera blessé! Ceci est valable aussi dans mon cas. Je suis belge et rwandais! Amusons nous et respectons nous sans nous inhiber. Merci pour nos échanges

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          • Violaine MAIZAUD

            23 janvier 2015 at 5h46

            Merci Norbert d’avoir évoqué la question des limites de la liberté d’expression !

            Lili, qu’elle serait la réaction en France, aujourd’hui, d’une caricature d’un jeu “Charlie Crush” ?

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            Norbert Nsabimana

            23 janvier 2015 at 9h05

            Merci Violaine! Je pense qu’il faut absolument s’exprimer sur cette question pour faire entendre un autre son de cloche! Nos cultures bien intégrées en occident ont une autre approche qui en mon sens complémentaire! Notre vie ensemble passe par des compromis et des partages et non par une imposition unilatérale d’un droit quasi absolu mais variable en fonction des intérêts! Bonne journée

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  • Lili

    23 janvier 2015 at 14h28

    Mais quelle imposition de quoi : y’a des journaux FN (F-haine) : ceux-là n’ont pas été massacrés alors qu’ils font bien plus de mal !
    Les caricatures, faut en vouloir pour les regarder : vous ne pouvez empêcher cette liberté de penser et de s’exprimer qui ne se fait que par du papier et un crayon. Vous ne croyez pas que les voiles qui se baladent dans les rues sont plus insupportables ? Pour moi, si !
    C’est quoi Charlie-Crush ?
    En fait, c’est la violence qui pousse aux caricatures et pas le contraire.

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      Norbert Nsabimana

      23 janvier 2015 at 19h53

      Bonsoir Lili! Pour enrichir nos échanges, l’idée n’est en aucun cas d’interdire le droit d’expression mais bien de le responsabiliser! Pour te donner un exemple, l’humour d’un certain Dieudonné me déplait fortement car justement, il dénigre de façon militante la communauté juive! Si je suis ton raisonnement, il devrait pouvoir le faire sans inquiétude mais dans les faits, il est en garde à vue sur base d’une phrase! Quelle est ta position sur ce sujet?

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  • Lili

    23 janvier 2015 at 14h29

    Ah pour Charlie Crush j’ai vu : n’importe qui peut le faire : ce sera un dessin, et alors !

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  • Lili

    23 janvier 2015 at 22h23

    Pour moi, ça n’a rien à voir : Dieudonné se met lui-même en spectacle, il est réel : et ses discours sont ambiguës, ils peuvent influencer selon ce qu’il dit, selon ce qu’il est : car il met beaucoup de mots dans ses spectacles, et fait des allusions douteuses : ce que ne fait pas une caricature qui reste sur le papier : la caricature s’offre à la réflexion, qu’elle choque ou non : elle sait saisir des raccourcis : elle parle à l’esprit.
    Et puis quoi, la caricature est un art qui existe depuis l’antiquité.
    Et la France a un passé anticlérical : il y avait des satires autrement féroces sur la religion autrefois, au début du XXème, on bouffait du curé : c’est aussi dans cette veine qu’étaient les caricaturistes : en plus, ils étaient athées, alors pour eux, le blasphème ! Surtout qu’en fait, le prophète a déjà été représenté autrefois, ce n’était pas un interdit : ça l’est devenu, ce qui montre que les temps se durcissent et qu’on frôle l’intolérance : raison de plus d’y aller.
    En plus, ils en ont dit sur Jésus : aucun catholique ne s’est insurgé : tout le monde sait bien ce qu’est une caricature, tout le monde sait que ce n’est pas réel, c’est ça le côté vivant du français qui a le sens du caustique : c’est ça la culture française ! C’est à se demander où tous les nouveaux français (tiens, ça résonne comme nouveau riche !) sont allés dégoter leur nationalité, dans quelle pochette surprise !
    Et si on instaurait des tests de rigolardise pour acquérir la nationalité française : ben oui, suffit pas d’avoir un titre, encore faut-il l’incarner !
    Tiens, cette petite joute m’a regaillardi : ça vaut la potion magique d’Astérix !

    Reply

  • Eliane

    22 février 2015 at 21h42

    Bonjour Norbert,

    Je comprends ton émotion. Je n’ai jamais acheté Charlie Hebdo… Je n’ai jamais lu Charlie Hebdo, comme je n’ai jamais lu un journal d’extrême droite, comme un journal raciste ou porno, et je pleure dans mon coeur quand j’entends la violence des propos d’enfants dans une cour d’école, quand je vois la tension entre les individus dans le métro, quand je vois les violences faites aux femmes, quand je vois des images de massacres, quand j’entends la haine de l’autre. Je ne cherche pas à savoir qui a raison ? qui a tort ? Je suis allée défiler avec des millions de personnes… parce que c’est la démocratie qu’on attaque, la liberté d’expression, la liberté de penser différemment… ON N’ASSASSINE PAS DES PERSONNES PARCE QU’ILS NE PENSENT PAS COMME NOUS. Rien ne justifie la barbarie.
    ICI ou AILLEURS… AUJOURD’HUI ou HIER et encore moins DEMAIN…

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      Norbert Nsabimana

      22 février 2015 at 22h05

      Merci Eliane pour ton partage, je comprends très bien ta démarche de manifester et je respecte les valeurs que tu défends! Je pense que si j’étais en France, j’aurais pu faire de même tout en affirmant la nécessité de trouver un équilibre entre la liberté d’expression et le respect des autres cultures tout en gardant l’humour. Bonne soirée

      Reply

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